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La Soirée parisienne. Le Tribut de Zamora

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La Soirée Parisienne
Répétition générale du Tribut de Zamora

Pour la première fois, le Tribut de Zamora a été complètement répété mardi soir à l’Opéra, avec décors, costumes et grand orchestre. Tout ayant marché le mieux du monde, il n’y a aucune espèce de raison pour que la première représentation n’ait pas lieu demain vendredi.

Bien entendu, c’est à huis clos qu’a eu lieu cette répétition générale. Un huis-clos terrible !

Mais nous étions la tout de même. Où ? M. Vaucorbeil ne le saura jamais. Peut-être sous la tunique de mailles d’un soldat maure de la figuration… Et nous avons vu, écouté et retenu.

*

À huit heures précises, M. Gounod monte au pupitre. À huit heures dix, le rideau se lève sur le premier acte.

Ce premier décor, très lumineux et plein de caractère, représente une place espagnole. À gauche, au premier plan, la maison de Mlle Daram. De l’autre côté, le palais Royal. Dans le lointain, une église aux architectures étranges.

Les Espagnols viennent de recevoir, des Infidèles, ce que, dans l’argot moderne, on appelle une brûlée épouvantable. Tous les chefs ont péri, et, parmi eux, le père de MlleDaram, égorgé par la propre main de l’émir Ben-Saïd. Ben-Saïd est une manière de Boabdie particulièrement féroce, ce qui ne l’empêche pas d’être extrêmement sentimental. À la nouvelle de la mort de son mari, la mère de Mlle Daram, Mlle Krauss, est devenue folle. Constatons en passant que c’est la première fois que Mlle Krauss aborde un rôle de mère à l’Opéra.

Telle est la situation au lever du rideau. Elle est, comme vous voyez, fort dramatique. Cela n’empêche pas Mlle Daram de songer au mariage. Et elle est sur le point d’épouser Manoët (M. Sellier), un beau soldat espagnol qui l’a sauvée.

Tout à coup, voici qu’on entend une musique étrange et des cris sauvages. C’est Ben-Saïd, le vainqueur, le Boabdie de la chose, qui fait son entrée, précédé et suivi d’un magnifique cortège qu’on ne saurait mieux comparer, au point de vue du goût et du luxe, qu’à celui de l’émir Féofar de Michel Strogoff. Armes, costumes, tout est d’une richesse et d’une exactitude prodigieuses. Lassalle arrive à cheval — sur une magnifique bête arabe dont son long burnous blanc recouvre la croupe. Armure de mailles d’acier et d’or, casque ajusté à la tête, cimeterre semé de pierreries.

Ben-Saïd est superbe ainsi. Ce que vient chercher le chef des Maures de Zamora, c’est le tribut en nature que les vaincus doivent lui payer. : vingt jeunes filles.

On tire au sort les noms de celles qui formeront le tribut, et, bien entendu, Mlle Daram amène un mauvais numéro a cette funeste loterie.

Et le rideau tombe sur l’harmonieux désespoir de Sellier.

*

Au second acte, nous sommes à Zamora même, sur la place du marché aux esclaves, avec un grand vélum à droite, abritant une mosquée. Dans le fond, un orchestre maure, qui mêle les voix tonnantes de ses saxophones à celles de l’orchestre ordinaire.

Les esclaves vont être vendues aux enchères. Déjà le M° Pillet de Zamora va commencer sa besogne, lorsque arrive Manoël, déguisé en infidèle, et muni de toutes ses économies.

II pousse sa fiancée avec furia, elle va lui être adjugée ; mais survient Ben-Saïd avec une forte somme. Une fois de plus, la victoire reste aux gros capitaux, et Mlle Daram devient sienne moyennant dix mille dinars d’or, plus les dix pour cent d’usage, bien entendu.

Et Ben-Saïd, triomphant, emmène sa captive dans son harem.

*

C’est ce harem que représente le décor du troisième acte.

Il est admirablement logé, grandement sur tout, ce mécréant de Ben-Saïd ! Toutes les splendeurs de l’Orient éclatent dans la salle de son palais où il donne une fête à sa nouvelle favorite.

Celle-ci porte un magnifique costume blanc lamé d’or, qui est digne du cadre.

Et le ballet commence, ce fameux ballet, dont la poussière gênait tant M. Lassalle, qu’il n’y assiste plus maintenant que dans la coulisse.

Danses d’almées, tournoiements voluptueux, jeux de voiles : c’est le triomphe de la chorégraphie mauresque.

Une demi-heure d’éblouissements !

*

Quatrième acte. – Toujours à Zamora.

Mlle Krauss, qui, pendant les entr’actes précédents, a retrouvé sa raison, est arrivée à l’appel de Manoël, et, voyant que la situation est inextricable, la tranche brusquement en poignardant Ben-Saïd.

Ici, nouvelle ressemblance avec Michel Strogoff. On va écharper la meurtrière, quand le père de la victime, qui n’est autre que M. Melchissédec, la sauve en lisant un verset du Coran, duquel il résulte que les fous sont sacrés.

*

Tel est le Tribut de Zamora. C’est chose impossible que de dire combien de fois il a été coupé, changé, remanié. Rien ne prouve même que, demain soir, quelque nouvelle modification ne se sera pas produite. Mais, sur la tête de Ben-Saïd assassiné, nous jurons que c’était ainsi que les choses se passaient avant-hier soir !

Sifflet

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publication date : 26/09/23