Les premières. Mam’zelle Nitouche
LES PREMIÈRES
Mam’selle Nitouche, comédie en trois actes et quatre tableaux, de MM. Meilhac et Millaud ; musique de M. Hervé.
Pontarcy possède un couvent qui ressemble comme deux gouttes d’eau au couvent du Domino Noir. Angèle, l’Angèle du Domino, s’appelle à présent Denise, Denise de Mortemberg. L’organiste de la maison est chargé de la conduire à sa famille, qui réclame l’enfant pour la marier. Drôle de mission pour un organiste !
Cet organiste est d’ailleurs un amphibie qui « dîne de l’autel et soupe du théâtre ». Il fait des opérettes pour le théâtre de Pontarcy entre deux leçons de musique sacrée données aux élèves de la sainte maison des Hirondelles. Compositeur de flonflons, il s’appelle Floridor ; organiste et professeur, il se nomme Célestin. Exactement comme Mlle Denise de Mortemberg se nomme aussi Nitouche, de son petit surnom.
On pourrait la baptiser Mlle Tartufe, qu’on ne se tromperait guère, car l’enfant aurait inventé l’hypocrisie, si elle n’existait pas.
Au lieu d’aller en train express retrouver ses parents et son fiancé, Mlle Denise s’arrête au théâtre de Pontarcy, où elle remplace, au milieu de la représentation, la prima-donna, prise d’une attaque de jalousie. Cette artiste aime le maestro Floridor et elle prend ombrage de la pensionnaire dont l’organiste est le Mentor.
De Pontarcy à Paris, Mlle Denise fait un vrai voyage de fiancée du roi de Garbe.
Nous la retrouvons actrice improvisée au second acte. Au troisième acte, elle est au quartier de cavalerie, et se déguise en dragon. Mauvaise idée ! Mme Judic est trop femme, et trop jolie femme, pour braver impunément l’uniforme de troupier.
Finalement, Mme Denise-Judic-de Mortemberg épousera Raoul de Champlâtreux.
Quelle merveilleuse artiste que Mme Judic ! Quelle incomparable diseuse de chansons ! Quelle comédienne accomplie ! Elle est toute la pièce, elle tient lieu de pièce et de musique. Elle joue de la harpe, elle monte à cheval et elle fait tout si bien qu’on ne peut pas dire qu’elle fasse, quoi qu’elle fasse, ce qui ne concerne pas son état.
Les deux hommes infiniment spirituels qui ont signe Mam’zelle Nitouche ont jugé que ce qu’ils avaient de mieux à faire était d’abdiquer devant leur actrice, et ils ont mis leur talent sous ses pieds.
Otez Judic, la pièce s’en va. Elle ne supporte pas un instant l’examen, l’analyse. Elle ne se préoccupe ni de la vérité, ni de la vraisemblance. Son couvent vaut sa caserne, et sa caserne vaut son couvent. Couvent et caserne appartiennent au domaine de la fantaisie pure, et sans vouloir, à propos d’un badinage sans arrière pensée mauvaise, monter sur nos grands chevaux, nous devons dire que le moment nous paraît mal choisi pour blaguer, même innocemment, des religieuses et exhiber des caricatures d’officier.
Baron est fort drôle dans son double personnage d’organiste et de compositeur toqué. Christian tire le meilleur parti possible d’une figure de major grotesque qui nous a médiocrement plu. Et puis, plus rien… Je me trompe, il y a au moins quatre mots très spirituels ; MM. Meilhac et Millaud ont eu beau s’appliquer à se faire petits pour grandir Mme Judic, leur esprit échappe de temps en temps à la consigne d’effacement qu’ils lui ont donnée.
H. de Pène
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HERVÉ
/Henri MEILHAC Albert MILLAUD
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publication date : 26/09/23