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Théâtre national de l'Opéra. La Montagne noire

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THÉÂTRE NATIONAL DE L’OPÉRA
LA MONTAGNE NOIRE, drame lyrique en quatre actes, poème et musique de Mme Augusta Holmès.

Quelle belle « première » l’Opéra vient d’offrir à son fidèle et grand public ! Non seulement l’œuvre de Mme Augusta Holmès est de celles qui méritent d’attirer et de retenir l’attention des véritables connaisseurs, mais l’interprétation est si remarquable que toutes les notoriétés du monde politique et artistique de Paris s’étaient donné rendez-vous dans la salle de l’Académie nationale de musique.

Le nom de Mme Augusta Holmès a été salué d’unanimes applaudissements.

La Montagne Noire est une des œuvres les plus intéressantes que nous ayons entendues depuis longtemps.

Le talent de la grande musicienne s’était déjà révélé à maintes reprises. Qui de nous n’a applaudi les Argonautes et l’Ode à la République ? Mais le fait d’avoir, elle-même, écrit le livret et composé la musique d’un drame lyrique entier constitue de la part de Mme Holmès un effort qui lui donne une place à part parmi les compositeurs de notre temps.

Le livret, — dont la donnée n’est pas sans analogie avec l’admirable drame de M. François Coppée, Pour la Couronne, le grand succès de l’Odéon, — est de toute beauté. Son affabulation est noble, rapide et passionnée ; le style en est élevé, varié, personnel.

Et, dans la partition qu’il a inspiré à son auteur, on retrouve des traces évidentes des plus hautes préoccupations artistiques. On y sent l’influence du maître de Mme Holmès, le regretté et immortel César Franck ; on y reconnaît aussi la constante préoccupation de l’inspiration personnelle.

Parue depuis deux jours chez l’éditeur Philippe, cette partition, réduite pour piano et chant, est d’une lecture très attachante. La mélodie y est claire, bien « déclamée » ; et les accompagnements en sont d’une très curieuse harmonie.

L’orchestration, simple à la fois et ingénieuse, est très facile à comprendre et ne domine jamais les voix. Les chœurs sont bien traités, et font partie intégrante du drame…

Le sujet traité est simple. Dans le Monténégro, au dix-septième siècle, les chrétiens conduits par deux valeureux chefs, Aslar et Mirko, viennent de repousser les Turcs.

Les deux jeunes héros font consacrer solennellement leur fraternité d’armes :

Je jure devant Dieu de t’aimer comme un frère,
Dans la vie ou la mort, dans la paix ou la guerre,
Et de sauvegarder ton honneur de chrétien,
Fût-ce au prix de mon sang ou fût-ce au prix du tien !

Or, le sage Aslar ne va pas tarder à voir son amitié mise à une rude épreuve. Des soldats amènent une captive turque, Yamina. La foule demande, dans sa haine des infidèles, qu’on la tue. Mirko frappé de sa beauté, sauve sa vie.

Bien que fiancé déjà à la douce Héléna, l’amour est entré furieusement dans le cœur de Mirko. Yamina le devine, et elle jette un charme pervers sur le héros… Bientôt à bout de forces, lui, le guerrier intrépide et jusque-là sans reproche, il subira ce charme jusqu’à accepter, pour fuir avec cette fille de l’Islam, d’abandonner sa patrie.

Aslar ne peut supporter cette pensée du déshonneur de son frère d’armes. Il se met sur les traces des fugitifs, il les rejoint, il conjure Mirko de revenir à la raison et au devoir. Mirko est profondément troublé ; il comprend son égarement, mais un appel passionné de Yamina l’affole de nouveau ; il n’a plus le courage de se séparer d’elle.

Aslar cherche à lui barrer le chemin ; la traîtresse musulmane le frappe d’un coup de yatagan. Mirko demeure épouvanté, éperdu. Il croit Aslar mort et il l’accuse de la fin de son ami. Ce crime, commis par lui, il veut l’expier, et il va se dénoncer aux guerriers accourus comme le meurtrier, quand Aslar, revenant à lui, arrête cet aveu sur ses lèvres. Il se soulève péniblement : « Les Turcs nous ont surpris, dit-il généreusement, Mirko m’a défendu ! »

Ce mensonge sublime, cependant, n’empêchera même pas la perte de Mirko. Une fois encore, Yamina l’a reconquis. Oubliant ses serments, oubliant la reconnaissance qu’il doit à son frère, il a suivi Yamina dans la ville turque, où il s’abandonne aux enivrements de l’amour, traître à son pays maintenant. Aslar vient le retrouver ; il tente un dernier effort pour l’arracher à cette passion qui l’a rendu lâche, pour l’entraîner au combat. Vains efforts ! Alors, se souvenant de son serment, ne pensant plus qu’à sauvegarder, fût-ce malgré lui, l’honneur de Mirko, il le tue, et, ne voulant pas lui survivre, il s’expose lui-même volontairement à la mort, cependant que, dans le fracas du canon, la ville tombe au pouvoir des guerriers de la Montagne Noire.

Mlle Bréval a, dans le rôle d’Yamina, remporté un immense et légitime succès. Séduisante, énergique, caressante, elle a joué, chanté en grande artiste, et elle a vu se renouveler le triomphe que lui avait valu sa création inoubliable de la Valkyrie.

La voix et le talent de M. Alvarez n’ont jamais été mieux mis en relief que par le rôle de Mirko ; M. Renaud est excellent dans celui d’Aslar ; Mme Région est remarquable ; Mlle Berthet est une délicieuse Héléna, et M. Dresse fait sonner à merveille les belles notes de sa puissante basse dans le rôle du prêtre Sava.

La mise en scène de la Montagne Noire fait grand honneur à la direction de l’Opéra.

Fernand Bourgeat

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Fernand BOURGEAT

(1851 - 1932)

Composer, Pianist, Librettist

Augusta HOLMÈS

(1847 - 1903)

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