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Le Roi d'Ys

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LE ROI D’YS
PREMIÈRE A L’OPÉRA-COMIQUE
Historique de la pièce. – Michelet et la légende. – Les amours de Dahu. – Saint-Corentin et le roi d’Ys.

C’est samedi qu’a lieu à l’Opéra-Comique la répétition générale du Roi d’Ys, dont la première représentation a été fixée à lundi.

Depuis plusieurs années déjà on parle, dans le public des théâtres, de cette œuvre musicale, qui a éprouvé des vicissitudes diverses. Destinée, dans la pensée de ses auteurs, MM. Lalo et Blau, à l’Opéra, elle a d’abord été écrite exclusivement pour cette grande scène lyrique.

M. Vaucorbeil, auquel elle avait été soumise, s’en était enthousiasmé et l’avait recommandée chaleureusement à M. Halanzier, qui dirigeait à cette époque l’Opéra.

M. Halanzier réserva sa réponse.

Sur ces entrefaites, M. Vaucorbeil succéda à M. Halanzier, et, se rappelant l’auteur de la partition du Roi d’Ys, le fit appeler, mais pour lui commander simplement le ballet de Namouna.

MM. Lalo et Blau ne se découragèrent pas néanmoins, espérant bien qu’un jour ou l’autre leur pièce verrait le jour.

Ils s’armèrent de patience et firent entrevoir discrètement au public le caractère de l’œuvre musicale dans laquelle ils avaient dépensé tant de talent.

L’ouverture du Roi d’Ys a été jouée depuis six ans par les concerts et a été très appréciée des auditeurs. Pasdeloup, Colonne et Lamoureux l’ont interprétée successivement.

M. Paravey, à peine installé à l’Opéra-Comique, reçut la visite de MM. Lalo et Blau. La pièce, qui comportait d’abord quatre actes et un ballet, avait été profondément remaniée. La musique avait été refaite. De plus, les auteurs avaient réduit leur œuvre en lui retirant les grands côtés décoratifs, de telle sorte qu’elle ne présentait plus que trois actes et cinq tableaux.

M. Paravey eut confiance dans le succès et accepta la partition, qui ne tarda pas à être mise en répétition.

La légende du roi d’Ys

Le roi d’Ys est une vieille légende bretonne, très populaire en Bretagne et que les paysans racontent au coin de l’âtre, durant les longues soirées d’hiver.

Michelet a consacré à cette dramatique légende une page admirable et émue dans son immortelle Histoire de France.

D’autre part les visiteurs du Salon de 1883 ont peut-être remarqué au Palais de l’Industrie un tableau de M. Luminais qui représentait la fuite du roi d’Ys.

Quimper a conservé en outre le souvenir de ce fameux drame qui fait partie de son histoire, car le roi d’Ys a sa statue sur la cathédrale. Il se tient à cheval, armé de pied en cap, comme un paladin du moyen âge.

Quel était donc ce célèbre roi d’Ys qui a laissé un renom si considérable dans la vieille province de l’Armorique ?

C’était un prince du nom de Gralau, guerrier sage et valeureux, juste dans les conseils, hardi sur les champs de bataille. Respecté par ses vassaux, aimé du pauvre monde, il était la terreur de ses ennemis, qui n’osaient le combattre.

Mais si ce prince jouissait d’une considération si honorable, il n’en était pas de même de sa fille Dahu, sorte de Marguerite de Bourgogne, et qui est l’héroïne de la pièce de MM. Lalo et Blau.

Cette princesse altière et cruelle, douée d’un tempérament violent, provoquait les jeunes et beaux seigneurs, les gracieux pages, ainsi que les robustes « varlets », afin d’assouvir les passions de son corps en ébullition.

Elle avait dans les traits une séduction diabolique, et on prétend même qu’elle se fit désirer de son père, commençant ses prouesses par l’inceste, très répandu à cette époque féodale, et sur lequel l’Église fermait indulgemment les yeux.
Toujours est-il qu’elle ne se contentait pas d’aimer, fonction qui n’aurait pas été répréhensible, mais qu’elle ajoutait à ses amours des raffinements qui ont perpétué son nom à travers les siècles.

Quels étaient ces raffinements de haut goût ? Une fois qu’elle avait joui de ses amants, elle les faisait jeter impitoyablement à la mer.

Aussi était-elle devenue odieuse à toute la ville d’Ys, qui ne lui ménageait pas ses sarcasmes. Allait-elle à la promenade, elle n’entendait sur son parcours que des murmures peu flatteurs, voire même des imprécations.

Elle s’exaspéra bientôt de cette impopularité et résolut de se venger contre le vilain peuple.

L’inondation

Un jour, elle ouvrit les écluses et la mer envahit la ville. Le flot monta rapidement, submergeant tout sur son passage.

La cruelle princesse, prise au piège, vit bientôt ses jours en danger. Son père prit pitié de sa détresse, et sellant en toute hâte un cheval, la fit monter en croupe. Et il précipita l’allure de sa monture, qui fléchissait sous ce double fardeau.

La mer poursuivait les fugitifs, qui ne savaient à quel saint se vouer. Le flot montait, montait toujours.

Le roi d’Ys, homme de grande dévotion comme tous les seigneurs de son temps, adressait au ciel d’ardentes prières, promettant aux saints du paradis de brûler cinq cents cierges de cire blanche en leur honneur s’ils intercédaient près du Seigneur miséricordieux afin de le préserver d’une mort imminente.

Saint Corentin entendit cette prière et lui cria d’une voix claire et stridente : Jette ta fille à l’eau, et le flot s’arrêtera.

Le roi, qui n’était pas un mauvais père, frémit à ce conseil et continua sa route, se refusant à exécuter un ordre aussi barbare.

Mais le flot irrité le poursuivait et l’atteignait presque, trempant déjà la queue du cheval qui l’emportait.

Saint Corentin répéta trois fois le même commandement : Jette ta fille à l’eau, et le flot s’arrêtera !

Et comme le flot s’élevait toujours, le roi d’Ys jeta sa fille à l’eau.

La mer, adoucie par ce sacrifice, s’arrêta instantanément au lieu précis appelé Douarnenez, où elle vient battre aujourd’hui le rivage de sa vague apaisée.

Quant à la ville d’Ys, elle est restée naturellement engloutie avec ses habitants.

Voici la légende dont s’est inspiré M. Blau, l’auteur du poème du Roi d’Ys.

Quelques atténuations ont été apportées dans l’œuvre musicale, et le conte n’a pas été reproduit textuellement.

Ainsi, dans la pièce, qui sera jouée vendredi, c’est la fille du roi d’Ys, contrairement à la légende, qui se jette volontairement à l’eau.

Les auteurs ont jugé ce dénouement moins révoltant et l’ont adopté afin de ne pas causer une impression trop pénible aux nerfs du public.

Le dernier tableau, très émouvant et d’un grand effet, se termine par l’inondation et la fuite du roi d’Ys.

Related persons

Composer

Édouard LALO

(1823 - 1892)

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Le Roi d’Ys

Édouard LALO

/

Édouard BLAU

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