Le Roi d'Ys
Quand je vous le disais que les événements, les surprises, sont pressés, accumulés cette semaine !
À l’Opéra-Comique, ce furent les premières armes d’un débutant sexagénaire. On vous parlera ailleurs du Roi d’Ys. Le curieux, pour la psychologie, c’est cet attardement du pauvre compositeur trouvant si longtemps toutes les portes fermées, toutes les directions hostiles.
Prenez les dictionnaires de biographie. Il n’y est naturellement pas question une seule fois de M. Lalo. Puisqu’on vous dit qu’il en est à faire ses premières armes !
Et pendant tant d’années il en fut réduit à se murmurer le mot de Chénier : — Pourtant, j’avais quelque chose là !
Je parlais, l’autre jour, d’Aristide Hignard, autre débutant du même âge, ou peu s’en faut.
Ah ! les peintres, par comparaison, sont d’heureux privilégiés, et véritablement ceux d’entre eux qui ne percent pas n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes. Une toile, des couleurs, et le tour est joué. Ils accrochent leur œuvre au premier mur de la première Exposition venue, disant : « Me voilà. » Le public passe, regarde, apprécie. Ce peut être fait en un tour de main.
Mais le compositeur ne peut rien tout seul. Il est tributaire de tout le monde. Il lui faut un directeur de bonne volonté pour risquer ses billets de banque. Il lui faut un orchestre pour comprendre et traduire sa pensée. Il lui faut des chanteurs et des chanteuses, qui, par un couac, par une maladresse, par un enrouement, peuvent lui faire perdre plusieurs années de travail.
Vous me direz à cela qu’on ne force personne à être musicien. C’est vrai. Mais ma stupéfaction n’en est que plus grande. Chaque fois qu’il est question d’un jeune homme qui a choisi cette carrière-là, ça me fait à peu près le même effet que si j’entendais parler d’un monsieur qui se destine à la profession de guillotiné. […]
Pierre Véron
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publication date : 04/11/23