Audition des envois de Rome
Nous avons eu jeudi, au Conservatoire, l’audition annuelle des envois de Rome, consacrée cette fois à l’un de nos jeunes artistes les plus laborieux et les plus méritants, M. Henri Büsser, grand prix de 1893. Nous connaissions déjà M. Büsser pour une intéressante suite d’orchestre exécutée il y a deux ans aux concerts de l’Opéra, et par un petit ouvrage en un acte tout empreint de grâce, Daphnis et Chloé, représenté l’année dernière à l’Opéra Comique. Cette fois, nous avons eu de lui des fragments d’une importante composition dramatique, le Miracle des perles, et quatre motets. Le Miracle des Perles est un drame lyrique en deux actes et trois tableaux, dont le poème avait été écrit par le regretté Louis Gallet d’après un récit inédit de Mme Jane Dieulafoy, récit tiré lui-même d’une légende chrétienne dont l’action se passe à Narbonne, vers l’an 300. Il est difficile de juger l’ensemble de l’œuvre de M. Büsser d’après les seuls fragments qui nous en ont été offerts, fragments qui comprennent une scène du premier tableau et deux scènes du second : mais il est possible au moins de se rendre compte de la couleur que le compositeur a su donner à sa musique, de l’excellent style dans lequel elle est écrite, et de l’intérêt qui réside dans l’orchestre. Je signalerai surtout le prélude instrumental, qui est d’un joli sentiment, ainsi que le duo de Claudia et de l’évêque Cyrille, qui est traité tout entier en déclamation et qui se fait remarquer par sa vigueur et son sentiment dramatique. Mais ce qui a fait la joie du public, c’est la prière : Notre père qui êtes aux cieux, dite dans l’intérieur de l’église par une voix enfantine qu’on croit entendre de loin ; cette prière, accompagnée par l’orgue seul, est si simple, si pure, si naïve, si touchante, qu’en l’entendant la salle entière a éclaté en applaudissements. Elle a été dite d’ailleurs d’une façon charmante par Mlle Christine Arnold, comme le duo avait été dit avec beaucoup de chaleur et un bel accent par M. Sizes et Mme Émile Bourgeois. Les deux autres rôles étaient tenus par MM. Laffitte et Rothier. Quant aux quatre motets, on peut dire que trois au moins sont excellents. Le premier : O sacrum convivium, a fait ressortir la belle voix et la bonne articulation de M. Laffitte ; le second : Ave verum, est un chœur à quatre voix d’hommes d’un beau souffle et d’une allure grandiose ; le troisième : Ave Maria, est un chœur à quatre voix de femmes, plein de douceur au contraire, d’onction, et d’un charme poétique ; enfin le dernier : Tu es Petrus, dans lequel M. Laffitte s’est encore distingué, se signale par une grande puissance d’accent et un rare vigueur de touche. Ce sont là des pages remarquables, qui font honneur à un artiste.
A.P.
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publication date : 16/10/23