Amadis de Gaule
Opéra en 3 actes créé à l'Académie royale de musique. D’après Amadis de Philippe Quinault (1684)
La tragédie lyrique après Rameau n’est pas morte. Au contraire, force est de constater la profusion des créations de ce genre dans le dernier quart du siècle : qu’on les baptise « tragédies », « tragédies en musique », « tragédies lyriques » ou « tragédies-opéras », les grands ouvrages sérieux forment même l’essentiel du répertoire de l’Académie royale de musique jusqu’en 1789. Si, dans les années 1760, les créations voisinent avec des « remises » au théâtre d’ouvrages anciens (rafraîchissements sensés adapter des oeuvres du règne de Louis XIV au goût contemporain et au « progrès des arts » en en étoffant l’harmonie ou l’instrumentation), quinze ans plus tard cette « survie » de la tragédie lyrique prend un tour nouveau : c’est à une véritable résurrection qu’on assiste alors. Pas moins d’une trentaine d’ouvrages sont créés, coup sur coup, de 1776 à 1789, témoignant d’une vitalité que la scène lyrique française n’avait jusqu’alors jamais connue. L’Amadis de Gaule de Johann Christian Bach doit donc se comprendre dans une perspective plus large, celle de l’effervescence du genre sérieux sur la scène de l’Académie royale de musique dans les dernières décennies de l’Ancien Régime. La volonté de renouer avec le « grand goût » – pour être plus précis, le grand goût français du règne du Roi-Soleil – induisait la référence à une figure tutélaire emblématique d’un « génie national ». Ce génie, ce ne fut finalement pas celui qu’on aurait attendu : à la personnalité de Jean-Baptiste Lully (que l’on révérait encore, mais de manière essentiellement virtuelle, se contentant d’en prononcer le nom sans plus en jouer la musique) on substitua celle de son poète, Philippe Quinault. Tel fut le héraut de la nation française en matière d’opéra à la veille de la Révolution. Il vola la gloire à Lully. L’Académie royale de musique trouvait ainsi en Quinault une espèce de garde-fou contre l’envahissement des compositeurs étrangers, ces Gluck, ces Piccinni, ces Vogel, ces Salieri, ces Sacchini ou même ce jeune Cherubini. Tous autant qu’ils étaient – Allemands ou Italiens, partisans de la déclamation ou de l’ornement – durent se plier à une règle inexorable : un livret « à la française ». C’est l’exercice auquel se prêta Johann Christian Bach en 1779. Exercice attendu par beaucoup à l’heure où le duel entre Gluck et Piccinni n’en finissait pas de durer, mais exercice raté : sept représentations puis... plus rien. L’heure est venue de redécouvrir cette oeuvre à laquelle ses contemporains ne laissèrent aucune chance, dans un contexte dépassionné et avec deux siècles de recul.
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Johann Christian Bach. Amadis de Gaule
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