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Les envois de Rome au Conservatoire

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Les envois de Rome au Conservatoire.

Jeudi soir les envois annuels de Rome ont été exécutés au Conservatoire sous la direction de M. Altès, chef d’orchestre de l’Opéra. Le programme s’ouvrait par une Symphonie de M. Georges Hue, grand prix de 1879. La contexture de cette œuvre témoigne d’une véritable habileté et l’orchestration en est soignée ; mais naturellement les idées ne peuvent encore dénoter une grande originalité, M. Georges Hue est au début de la carrière et les plus grands génies ont commencé par être imitateurs.

Après la symphonie de M. Hue, on nous a fait entendre trois pièces instrumentales de M. Samuel Rousseau, grand prix de 1878 : un minuetto (bissé), morceau très heureusement tourné et dont les dessins mélodiques sont charmants ; ensuite la romance mélodieusement chantée sur l’alto par M. Adam : puis un scherzo, où l’on remarque une rentrée ingénieuse qui ramène un premier motif assez original. Ici se terminait la partie purement symphonique.

Les banquettes réservées aux choristes se sont bientôt garnies de toute une troupe de jeunes et jolies élèves du Conservatoire et l’on commença l’exécution de la Florentine.

Tel est le titre du fabliau lyrique dont les paroles sont de M. Ed. Guinand. La musique est encore de M. Samuel Rousseau. Le sujet est celui du conte de Musset, connu sous le nom de Simone, et la version musicale des divers sentiments délicats et poétiques qu’il renferme n’était vraiment pas facile.

M. Samuel Rousseau s’est tiré de la difficulté à son honneur et a trouvé le moyen d’écrire quelques pages très expressives. Les récits sont généralement d’une déclamation correcte et la mélodie dans les morceaux mesurés est presque toujours empreinte du caractère qui convient à la situation.

Le premier chœur : « L’oiseau caché dans le feuillage » est une page pleine d’élégance et de couleur et qui nous enveloppe aussitôt du charmant paysage où va se passer la scène.

Le duo d’amour qui suit, entre Simone et Pascal, renferme une jolie phrase : O Brise silencieuse, que les violons caressants accompagnent de la plus heureuse façon… La cloche du couvent annonçant alors la fin du jour, interrompt les serments des amoureux et l’on entend dans le lointain l’orgue, et le chœur des moines qui appellent les fidèles à la prière.

Tout s’attriste bientôt pendant le récit de Simone dont l’âme est agitée par de noirs pressentiments ; mais les paroles rassurantes de Pascal ramènent peu à peu la joie première avec la reprise de la phrase : O Brise silencieuse, dont le retour fait le plus vif plaisir.

La scène suivante où Pascal, après avoir respiré la fleur, tombe inanimé est assombrie par une orchestration lugubre, et, quand les jeunes gens qui reviennent en chantant reprennent le chœur du commencement : l’Oiseau caché, il en ressort un contraste des plus heureux.

Enfin le chœur et la scène qui suivent sont également très dramatiques et le dernier morceau (chœur funèbre) est une page pleine de promesses.

Le rôle de Simone a été chanté par Mlle Mirane avec correction et un timbre de voix sympathique ; les récits de la fin surtout : Une froideur mortelle, ont été dits par elle avec sentiment et expression. M. Muratet, dans Pascal, nous a fait apprécier une voix bien timbrée, qu’il dirige déjà avec talent.

Gaston Durreuilh.

A l’issue de l’audition de ces intéressants envois de Rome, M. Logerotte, sous-secrétaire d’État des beaux-arts, assisté de MM. Kaempfen et Des Chapelles, s’est rendu dans les salons de M. et Mme Ambroise Thomas où se trouvaient réunis le Président et le Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, MM. Lenepveu et Delaborde, ainsi qu’un certain nombre de membres de l’Institut : MM. Reyer et Saint-Saens entre autres. MM. Léo Delibes, Guiraud, Joncières, s’étaient joints à ces messieurs et là M. Rousseau a vu les félicitations officielles et amicales succéder aux bravos du public. Bref, la soirée de jeudi dernier a été bonne pour M. Samuel Rousseau. C’est en somme un sérieux encouragement donné à un jeune compositeur d’avenir.

Personnes en lien

Chef d'orchestre, Compositeur

Samuel ROUSSEAU

(1853 - 1904)

Compositeur

Georges HÜE

(1858 - 1948)

Permalien

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date de publication : 16/10/23