La soirée d'hier. Namouna
LA SOIRÉE D’HIER
NAMOUNA
Elle a été donnée enfin cette première représentation tant de fois reculée tantôt par la maladie du compositeur, tantôt par l’indisposition de Mlle Sangalli.
Namouna a été représentée hier soir devant une salle splendide où l’on remarquait une foule de littérateurs et d’artistes, plusieurs ministres, des ambassadeurs, des députés, des sénateurs, des journalistes. Aux loges et à l’amphithéâtre c’était une exhibition de ravissantes toilettes semées de perles et de diamants. On remarquait une des premières loges vides, c’était celle de Mme Nilsson.
Mais arrivons à Namouna.
Nous sommes à Corfou, au dix-septième siècle.
Namouna est le nom d’une esclave que possède le marin Adriani. Cet Adriani est un Joueur effréné qui perd avec don Ottavio son or, sa tartane et même Namouna.
Ottavio, qui est généreux et bon, ne soulève même pas le voile de Namouna. Comme il ne veut pas garder son gain, il la donne tout entier à la belle captive, et lui rend la liberté.
Namouna reconnaissante s’embarque dans la nacelle qui devient sa propriété, et Ottavio s’éloigne gaîment tandis qu’Adriani se désole et songe au moyen de prendre sa revanche.
Au second tableau on aperçoit Ottavio donnant une aubade avec des musiciens à Héléna, une jeune fille de Corfou. Le décor est merveilleux.
Les maisons pittoresques de la ville grecque s’étagent auprès de palais splendides. – Au fond l’on aperçoit les voiles blanches tachetant l’azur de la Méditerranée.
La jeune fille vient à son balcon écouter l’aubade d’Ottavio, quand Adriani s’élance sur les musiciens et les met en fuite. Ottavio veut venger l’insulte qu’on lui fait. On tire l’épée.
Les adversaires se battent, mais une jeune femme voilée s’interpose, jetant des fleurs entre les épées. C’est Namouna.
On arrive de toutes parts et les combattants sont séparés. Du reste, pourquoi cette lutte un jour de gaîté ? C’est le carnaval et voilà des masques qui se divertissent en dansant.
Après différents incidents et le départ des masques, Adriani fait attaquer Ottavio par des bandits, mais Namouna veille sur son bienfaiteur. Elle envoie à son secours des hommes d’armes qui l’enlèvent et l’embarquent.
Au troisième acte, la tartane portant Namouna et Ottavio aborde une île de l’Archipel. Namouna vient dans le bazar d’un marchand d’esclaves délivrer ses anciennes compagnes. Mais Adriani, accompagné de soldats, arrive dans l’ile, à la poursuite des deux jeunes gens. Heureusement, les soldats se laissent séduire par les esclaves. Mais Ottavio est prisonnier. Alors Namouna grise les soldats et danse merveilleusement le pas de la Coupe. Namouna et Ottavlo peuvent s’enfuir en laissant les bandits ivres, et Adriani est poignardé par un jeune esclave.
Voilà le livret. On le voit, il n’est pas absolument original. Mais qu’importe le scénario ! La musique est tout dans un ballet !
Hélas ! oui, et la musique de M. Lalo n’est pas amusante, il s’en faut.
Nous n’avons pas le temps ce soir d’analyser l’œuvre de M. Lalo. Au premier acte, une sérénade discrète est d’un charmant coloris et le pas de la séduction est un agréable, pastiche de la musique du dix-septième siècle, mais le reste est terne. On a été étonné de la vulgarité de certains motifs, joués par le petit bugle.
Le divertissement du poignard au second acte est fort gracieux.
Certes, M. Lalo a d’immenses qualités d’harmoniste, c’est un homme de science, mais est-ce bien à lui qu’on devait confier la musique d’un ballet ? La monotonie de sa partition a ennuyé malgré les fines ciselures orchestrales ; et lorsque le régisseur est venu annoncer les noms des auteurs, on a timidement applaudi les librettistes, on a chuté le musicien. Seuls les décorateurs, MM. Rubé, Chapron et Levastre jeune ont cueillis des lauriers. Mlle Sangalli a été applaudie sincèrement.
Julien Sermet.
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publication date : 22/09/23