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Audition des envois de Rome

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Audition des envois de Rome au Conservatoire. 
Le jeudi 12 décembre.

En guise de préface à cette audition, nous avons eu la publication du rapport annuel sur les envois, rapport qui se distinguait des précédents par sa grande sévérité. Ces pauvres prix de Rome y sont bien malmenés ! On leur reproche de se contenter des « semblants d’un système savant », d’ignorer les éléments de l’instrumentation tout en prétendant s’occuper vivement du coloris orchestral. L’effet de ces mercuriales d’une dureté exceptionnelle est généralement de prédisposer la galerie à une certaine indulgence. En l’espèce, l’indulgence s’est trouvée justifiée de prime abord par cette circonstance, que les œuvres exécutées jeudi n’étaient pas, une exceptée, celles qui font l’objet du rapport. Et pourtant il faut bien convenir, après audition, que le membre de l’Institut aussi peu tendre pour les pensionnaires de l’Etat avait quelque raison dans sa critique impitoyable, ou du moins que celle-ci pouvait s’appliquer en partie aux œuvres qu’on nous a fait entendre, quoiqu’elle fût dirigée contre d’autres. Il manque à ces jeunes gens ce qu’ils sont censés posséder en premier lieu : le métier, surtout dans la composition instrumentale. Dédaignent-ils de l’apprendre, se fiant à leur intuition, ou bien ne le leur a-t-on enseigné que d’une manière insuffisante ?

Cependant nous croyons juste d’exempter de ce blâme M. Paul de la Nux (grand prix de 1876) pour son Ouverture symphonique, le seul morceau du programme de l’audition figurant aussi parmi ceux que visait le rapport. Cette ouverture, à trois temps brefs, procède de Mendelssohn et de Schumann pour le style ; son auteur l’a sans doute qualifiée de symphonique parce qu’elle trouverait son emploi, et un meilleur peut-être, comme premier allegro d’une symphonie. Elle est, comparativement aux œuvres qui l’ont suivie, bien pondérée et orchestrée avec tact ; toutefois, M. de la Nux semble ne pas trouver facilement le moyen d’arriver à la plénitude de la sonorité, de corser et de nourrir ses forte. Les motifs sont d’un bon caractère, le développement suffisant, les harmonies naturelles sans vulgarité.

Les maladresses orchestrales abondent dans les scènes intitulées Diane et Endymion, de M. André Wormser (grand prix de 1875), ainsi que dans l’ouverture de Macbeth de M. Paul Puget (grand prix de 1873). Ce point acquis, disons que M. Wormser a le sentiment des choses gracieuses, que sa Danse des sylvains a eu du succès ; mais que l’ensemble de son travail est réellement faible ; que M. Paul Puget, celui des trois lauréats qui paraît avoir le plus de « tempérament », se dépense avec trop de fougue et ne compte pas assez avec les moyens matériels, non plus qu’avec la capacité attentive de ses auditeurs. L’ouverture de Macbeth commence et se termine par une sorte de marche lente et triste, à l’antique, très bien trouvée et d’une belle allure ; quant au corps même du morceau, c’est un fourré épais, hérissé de dissonances aiguës, où l’on avance avec peine et un peu à tâtons. Il y a certainement de l’étoffe chez M. Puget : mais elle a besoin d’être dégrossie. Nous n’avons pas emporté une très bonne impression de son Ode de J.-B. Rousseau (psaume XLVIII), pour basse solo, chœur et orchestre ; c’est bien bruyant et bien long ; il s’y trouve une fugue qui n’est pas du meilleur style vocal, et la fin jure avec le reste de l’œuvre par sa vulgarité. M. Lorrain a très bien dit les soli, et les choristes se sont tirés à leur honneur des ensembles vocaux, qui n’étaient pas des plus aisés.

M. Deldevez dirigeait l’exécution. Nombre d’artistes de la Société des concerts étaient réunis dans l’orchestre, qui n’a pas toujours eu la cohésion et la sûreté désirables ; mais n’était-ce pas beaucoup la faute des compositeurs ?

Ch. Bannelier. 

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Journalist

Charles BANNELIER

(1840 - 1899)

Composer

Paul PUGET

(1848 - 1917)

Composer, Pianist

Paul VÉRONGE DE LA NUX

(1853 - 1928)

Composer

André WORMSER

(1851 - 1926)

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