Namouna de Lalo
NAMOUNA
Eh bien, oui, Namouna ! Vous restez étonné ? Vous aviez cru alors que le ballet de M. Lalo ne passerait pas et que de ténébreuses machinations en auraient empêché l’éclosion. Vous en êtes pour vos frais d’imagination. Namouna, Mlle Sangalli étant complètement rétablie, passe bel et bien ce soir.
S’il est une œuvre qui a troublé le repos d’un directeur, c’est bien celle-là ! Sapristi ! quel odyssée. Homère serait impuissant (zuzez alors si j’arriverai à le faire) à raconter en détail les palpitantes péripéties des études et répétition de Namouna.
Faut-il refaire l’historique de ces phases mémorables ? Qui ne les a pas encore présentés à la mémoire ?
M. Vaucorbeil, voulant donner un gage de son estime et encourager la nouvelle école, celle des symphonies à mort ! commande à M. Lalo, un de leurs meilleurs représentants, le ballet qu’on joue ce soir. M. Lalo, enchanté, symphonise, symphonise tant et tant même, que les malheureux « paroliers » du ballet, pardon « jambiers », se noient dans les flots d’orchestration que l’ultra-symphoniste fait couler à plein bord ! Petipa et Nuitter sont submergés. Grâce ! grâce ! s’écrient-ils. Le symphoniste à tous crins consent enfin à s’arrêter ! Il faut mettre un peu d’ordre dans ce déluge ; on remet tant soit peu les danseuses sur leurs jambes. Effarées, les pauvrettes ne savaient plus sur quelle mesure danser !
Enfin, on obtient de M. Lalo qu’il fasse un nouveau ballet ; il brûile un peu ce qu’il a adoré et écrit de nombreux pas nouveaux, et cette fois des pas absolument faciles à danser ! À ce moment, cruel entre-temps, le compositeur, surmené par un travail excessif, tombe malade, laissant sa partition inachevée. L’orchestration entière est à faire !!
Quel émoi ! Les costumes sont prêts, l’ouvrage, bref, est au point quant aux décors et à la danse ; seul, le musicien n’est pas prêt. Le moment est critique. M. Vaucorbeil fait alors appel à la bienveillance de Gounod qui se charge de l’orchestration, travail qu’il exécute avec le talent et l’autorité qu’on lui connaît…
Namouna est prête, la répétition générale annoncée a lieu, on va passer, lorsque… ô coups du sort ! Mlle Sangalli se fait une blessure au pied, blessure qui la met dans l’impossibilité absolue de danser. Force, alors, est encore de remettre la première au 6 mars ! et c’est pour cela que nous ne l’avons que ce soir.
Maintenant au rideau :
Toutefois, permettez-moi de vous présenter auparavant les interprètes :
DISTRIBUTION
Namouna – Mme Sangalli
Don Ottavio – MM. Mérante
Adviani – Pluque
Iotis – Mmes Sabra
Andrikés – Biot
Ali – M. Cornet
Mmes Fatou, Piron, Mercédès, Bernon, Hirsch, Invernizzi.
MM. Vasquez, Ajas.
Mmes Adriani, Mérante, Lappy, Bussy, Larieux, Montchanin, Jousset, Pocot, Ottolin, Marc, Granget, Relles, Gallay, Lecref, Sacré, Slied, Chabot, Stichel, Wall, Laurent, Suta.
MM. Lecref, Slieb, Marius, Ponçot, Girodet.
La présentation étant faite, je vais tracer à traits rapides le sujet de Namouna ! Au milieu de ce décade de jolies jambes et de museaux charmants, il vous serait peut-être difficile de bien comprendre la palpitante histoire que nous racontent MM. Nuitter et Petipa.
En voici l’esquisse.
PREMIER ACTE
Premier tableau
Un Khani (maison de jeu) à Corfou. – L’action se passe au dix-septième siècle.
Ottavio, gentilhomme, et Adriani, marin, jouent ensemble, pendant qu’autour d’eux des dames et des cavaliers dansent des sarabandes et des pavanes.
Ottavio a la veine, il gagne successivement à Adriani une cassette pleine d’or, sa tatane qui est à l’ancre, son équipage et même son esclave favorite qu’on amène voilée. Il ne veut pas même la regarder, et, lui donnant tout ce qu’il vient de gagner à Adriani, il lui rend la liberté.
Cette esclave, c’est Namouna, que ce procédé délicat touche et qui s’éprend soudain de son libérateur. Elle part pourtant dans la tartane qui s’éloigne, tandis qu’Ottavio est porté en triomphe par les danseurs, et qu’Adriani se sauve en jurant de prendre sa revanche.
Deuxième tableau
(Une place publique à Corfou. La mer au fond, et à droite un palais. — À gauche, au milieu de quelques masures, une hôtellerie avec terrasse et portique. – Le jour naît.) (Décor de MM. Rubé et Chaperin.)
À droite, un groupe de musiciens joue sous le balcon d’Héléna qui paraît à la fenêtre. Du groupe se détache alors Ottavio, qui monte sur un banc et dit à Héléna qu’il l’aime. Celle-ci à son tour se penche et tend sa main qu’Ottavio parvient à embrasser en grimpant à la muraille.
Un homme paraît alors, c’est Adriani ; il reconnaît Ottavio, son adversaire, et, saisissant une occasion de se venger, chasse les musiciens à coups de canne. Héléna rentre chez elle.
Ottavio, qui est redescendu, reconnaît à son tour Adriani :
— Quoi ! vous aimez aussi Héléna ?
— Ma foi, non ! mais c’est pour me venger de vous.
Ottavio tire son épée, Adriani la sienne, et un combat commence.
À ce moment, un escale, qui semblait dormir dans un coin, relève la tête et se sauve ; il revient bientôt au fond, ramenant une femme à laquelle il montre les deux adversaires.
C’est la bouquetière Namouna, la plus jolie fille de Corfou.
Elle s’approche des deux combattants.
Pas de la Bouquetière
Danse par Mlle Sangalli, MM. Mérante et Pluque.
Tout en causant, elle offre des fleurs aux combattants qui veulent l’écarter, mais elle glisse entre eux et les rend furieux. Pendant ce temps, Héléna, de sa fenêtre, regarde ce qui se passe.
Il fait grand jour.
Le duel est désormais impossible. Héléna, rassurée, quitte sa fenêtre. Quant à Namouna, elle a disparu.
Les musiciens reparaissent alors, tout écloppés, Ils demandent de l’argent, qu’Ottavio leur donne, et repartent alors tout gaiment.
Peu à peu la place a été envahie par la foule.
La Fête des Palmes
Grand divertissement, dansé par Mlle Larrieu, Gallay, Sacré, Stilb ; MM. Ajas, Lecerf, Silb, Marius, et tout le corps de ballet.
Les Ionniennes
Pas dansé par Mlles Adriana, Bussy, Monchanon, Jousset, Biot, I. Ottolini, Moïse, Grangé, Keller, Lecerf, Salle, Stichel.
La Charmeuse
Pas de deux dansé par Mlle Sangalli et M. Mérante.
À la fin de ce pas, Héléna sort de chez elle. Namouna, qui est sortie, reparaît sous son premier costume. Ottavio lui fait signe et lui demande un bouquet. Namouna l’apporte en minaudant. Ottavio, après avoir offert le bouquet, prend le bras d’Héléna et passe devant Adriani qui s’est retiré dans un coin.
À ce moment, des musiciens se font entendre.
Le Joueur de mandore
Pas dansé par M. Vasquez, Mlles Fatou, Piron, Berney et Hirsch.
Pendant que la foule s’est porté vers le fond pour écouter, Namoiuna revient, cherchant Ottavio.
La Roumaine
Par Mlle Rita Sangalli.
Adriani s’approche de Namouna :
— Je t’aime lui dit-il ; ne sois point cruelle.
Et il se jette à ses pieds.
— Non, répond Namouna, tu m’as jouée et perdue. Tant pis ! Celui que j’adore, moi, aujourd’hui, c’est Ottavio, qui m’a affranchie sans m’avoir vue.
Et elle s’éloigne. Adriani, resté seul, appelle deux hommes de mauvaise mine et leur parle bas en désignant Ottavio. Mais Namouna a tout vu.
Elle appelle le petit esclave Andrikès, qui, à son tour, va chercher deux hommes attablés devant l’hôtellerie ; Namouna leur donne un ordre ; ils s’inclinent.
La nuit vient peu à peu et la scène se vide. Ottavio reconduit Héléna jusqu’à sa porte ; mais au moment où, resté seul, il va s’éloigner, les hommes de mauvaise mine, accompagnés de deux autres, lui barrent le passage. Tous les cinq dégainent.
Au premier froissement de fer surviennent les autres hommes, ceux auxquels a parlé Namouna. – Combat. Deux bandits sont blessés, les deux autres se sauvent. Ottavio remercie ses défenseurs, mais ceux-ci lui enlèvent son épée, tirent des pistolets de leurs poches et l’en menacent.
— Tu vas nous suivre dans cette barque, disent-ils.
En effet, une barque, conduite par quatre rameurs et montée par une femme masquée, apparaît. Ottavio y monte également, et la barque s’éloigne, au moment où Adriani accourt, accompagnée de quelques sbires.
DEUXIÈME ACTE
Troisième tableau
(Une île de l’Archipel. – Pavillon turc en riches tapisseries, avec panoplies, tentures, etc.)
Nous sommes chez un marchand d’esclaves.
Une tartane sous pavillon vénitien paraît sur le rivage. Elle porte Namouna, toujours masquée, et Ottavio.
Le marchand s’empresse. Il invite Ottavio à pénétrer chez lui.
Namouna, restée avec les autres femmes, retire son masque. Ses anciennes compagnes lui font fête. Elles sont toutes rachetées à leur maître, qui reçoit force ducats en échange de leur liberté.
Ottavio assiste surpris à cet événement et admire Namouna, qui danse un pas oriental.
Tout à coup, des pirates arrivent. Ils sont commandés par Adriani.
Les compagnons de Namouna ont bientôt fait de réduire ces forbans.
On grise les bandits. Namouna dans le Pas de la Coupe.
À un moment donné, les femmes lèvent leur poignard sur les soldats désarmés. Namouna triomphe ; malheureusement, Adriani, de son côté, s’est rendu maître d’Ottavio, qu’on voit entrer dans l’habitation.
Adriani est vainqueur. À son commandement, les soldats ordonnent aux femmes de leur servir à boire.
Tous se livrent à l’orgie.
Les Forbans
Valse dansée par Mlle Mercédès et M. Ajas ; Mmmes Adriana, Ad. Mérante, Lappy, Bussy, Larrieu, Monchanin, Jousset, I. Ottolini, Moïse, Grangé, Keller, Gallay, Lecerf, Salle, Chabot, Stichel ; MM. Lecerf, Stilb, Marius, Lefèvre, Stadermi, Leroy, Baptiste, Friant.
Namouna reparaît. Sur un signe d’elle, les femmes lèvent des poignards sur les pirates. Mais, pendant ce temps, Adriani s’est emparé d’Ottavio. Namouna feint de se rendre à Adriani, toutefois elle exige que le festin préparé avant l’arrivée des pirates ait lieu quand même.
L’Orgie
Divertissement dansé par tout le ballet
La Coupe
Pas dansé par Mlle Rita Sangalli
Les pirates s’enivrent, et, pendant ce temps, Namouna et Ottavio montent dans une barque restée au fond et s’enfuient.
Grand Finale
Dansé par tout le ballet.
Related persons
Related works
Namouna
Édouard LALO
/Charles NUITTER
Permalink
publication date : 18/09/23