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Critique musicale. Namouna

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CRITIQUE MUSICALE
Namouna, ballet en 2 actes et 3 tableaux, de MM. Nuitter et Petipa, musique de M. Lalo. – […].

Tout le monde sait de quelle hostilité M. Lalo s’est vu poursuivi dès le jour où il s’est mis à composer la musique de Namouna. Ce ne pouvait être par inimitié personnelle, car M. Lalo est le plus doux et le plus aimable des hommes. C’était par jalousie de métier. Ses rivaux ont tout fait pour décider M. Vaucorbeil à retirer la parole donnée ; il s’y est refusé. Alors on s’est mis à répandre sans cesse des bruits aussi faux que malveillants ; quand la première représentation a dû être retardée par suite d’une indisposition de Mlle Sangalli, on s’est même empressé d’annoncer que Namouna ne serait donnée jamais. Le moindre des défauts de ce procédé était d’être maladroit ; il était évident que ceux qui cherchaient à discréditer l’ouvrage avant qu’il fût composé, le décrieraient encore davantage après la représentation, et ils n’y ont pas manqué. Je me suis demandé pourquoi, tout au contraire, l’on a été très indulgent pour M. Widor, contre qui l’on pouvait alléguer les mêmes griefs que contre M. Lalo. C’était, je pense, parce que M. Widor étant jeune, on n’en prenait pas grand ombrage ; tandis que M. Lalo a fait ses preuves de maître. En tout cas, il serait curieux qu’on osât soutenir que la musique de la Korrigane vaut mieux que celle de Namouna. Ce serait même un comble, pour me servir d’un mot à la mode.

Rien n’est si facile que de dire : Voilà un compositeur qui a fait de la bonne musique symphonique ; donc il ne sait pas écrire un opéra ni de la musique de ballet. Combien de fois depuis vingt ans n’a-t-on pas ressassé cette ineptie ! Lorsque grâce aux concerts Pasdeloup, il s’était formé une école française de jeunes symphonistes, tout compositeur qui avait réussi en ce genre risquait de se voir refuser le talent de composer un opéra. Bizet, MM. Massenet, Saint-Saëns et bien d’autres ont été dans ce cas ; trop heureux encore quand on ne les stigmatisait pas en même temps comme wagnériens. Bizet est mort sous le poids de la double accusation, si peu qu’il l’eût méritée ; M. Massenet n’a été innocenté que le jour où il est entré à l’Institut ; M. Saint-Saëns lui-même n’a pas cru pouvoir dignement endosser le frac académique, sans crier solennement à Wagner : Vade retro, Satanas ! quoique Wagner n’eût jamais eu la moindre part à ce que M. Saint-Saëns a fait de bon ou de mauvais.

Après avoir cru démontrer à un jeune compositeur qu’il avait écrit un mauvais opéra, on ne manquait jamais d’ajouter doctement en manière de conseil : Étudiez les maîtres français : Auber, Hérold et Adam, voilà les modèles à suivre ; voilà les vrais, les immortels mélodistes ! Il était même passé en axiome qu’Auber était « le chef de l’école française » quoiqu’il fût précisément, de tous les compositeurs, le moins français ; car je me refuse à regarder comme de la musique vraiment française des recueils d’airs de danse imités de tous les pays.

Toujours selon la même esthétique, après avoir appris à M. Lalo qu’il ne sait pas écrire de la musique de ballet, on n’a pas manqué de lui proposer quatre ou cinq modèles, y compris M. Minkous ; je ne sais pourquoi l’on a oublié M. Métra ; c’est une injustice que je tiens à réparer. Voilà donc qui est entendu : hors d’Auber et d’Adam il n’y pas de salut pour l’opéra-comique, comme hors d’Adam et de M. Minkous il n’y en a pas pour le ballet. Mais peut-être ne vous souvient-il plus de M. Minkous ; peut-être même n’avez-vous pas connu Schneitzhoeffer (prononcez : Bertrand ; variante : prononcez Guillaume) [1].

« Il n’y a pas de mélodie » « Ce n’est pas de la musique de ballet, » voilà deux assertions qui se valent. Les gens qui parlent ainsi seraient bien embarrassés de dire quels sont les caractères distinctifs de la mélodie ; et jamais ils n’ont réfléchi à ce qu’est réellement ou doit être un ballet. Noverre, dont le nom ne doit être ignoré de quiconque parle de théâtre, a eu un jour l’idée de traiter en ballet le sujet des Horaces de Corneille ; l’ouvrage parait avoir réussi à Vienne, mais n’eut pas grand succès à l’Opéra de Paris. En tout cas, il prouve que Noverre entendait le ballet autrement qu’on le comprend aujourd’hui.

Berlioz a supposé que dans le chœur des prêtres, au premier acte d’Alceste, Gluck a voulu donner à sa musique un caractère en rapport avec les danses symboliques dont étaient accompagnées certaines cérémonies religieuses chez les anciens Grecs. Tout le monde rit du mot de la comédie de Molière : « Que de choses dans un menuet ! » C’est Marcel, célèbre danseur et maître de danse, qui avait coutume de parler ainsi. Ce n’était cependant pas une bêtise, car le menuet était le type le plus accompli de ce qu’on appelait les danses basses ; pour le bien danser, il fallait déployer une grâce, une élégance et une distinction de manières dont aujourd’hui on n’a plus aucune idée.

Les danses basses ont complètement disparu, ou si l’on en introduit dans quelque pièce de théâtre, l’exécution est d’une parfaite nullité ; la tradition en est perdue. Si Louis XIV et sa cour pouvaient assister à une représentation de Don Juan à l’Opéra et y voir danser le menuet, ils honoreraient les chorégraphes et le corps de ballet d’un incommensurable mépris. Aujourd’hui le mot danse est devenu synonyme de sauterie, et l’on ne danse pas plus le menuet à l’Opéra que dans les salons on ne danse un quadrille : on le marche, tout au plus, pardonnez-moi ce néologisme.

Qu’est-ce au fond qu’un ballet ? C’est la représentation mimique et artistique d’une action théâtrale, en mouvements rythmés et réglés, soutenus à cet effet par la musique. La mimique doit être telle qu’à tout moment elle puisse fournir des modèles à la peinture et à la sculpture ; cette condition est de rigueur. À ce point de vue, toute action n’est pas favorable à un ballet non plus qu’elle l’est-à un opéra ; mais elle peut-être soit tragique, soit comique, soit tantôt l’un ou l’autre.

L’élément tragique disparaît de plus en plus des ballets, ou pour le moins est atténué ou modifié de manière à ne causer à personne la moindre émotion. Le pire c’est que les ballets aujourd’hui ne répondent pas du tout à la définition que je viens de donner. L’action n’est plus qu’un prétexte, un cadre presque toujours pauvre ou ridicule pour les ébats des virtuoses de la sauterie, comme autrefois pour les virtuoses du gorgheggio dans les mauvais temps de l’opéra italien. Encore à côté de la prima donna y avait-il le primo uomo. Où est le premier ténor du ballet d’aujourd’hui ? S’il existe, il remplit tout au plus un rôle de coryphée. Tranchons le mot : pour, la plupart des gens, le ballet n’est plus qu’une exhibition de danseuses ; il n’est donc pas étonnant qu’une foule de personnes le tiennent en mépris et refusent d’y voir une œuvre d’art. Aussi la meilleure recommandation pour un compositeur de ballet, aujourd’hui, c’est d’avoir écrit des opérettes ou des opéras-comiques façon Auber, ou encore de la musique pour les Folies-Bergère. Musique de sauterie : on n’en demande pas davantage.

De même que tous les ballets dignes de l’Académie nationale de musique, Namouna se divise en deux parties bien distinctes : les scènes d’action et les simples divertissements, ressemblant aux anciens airs de bravoure qu’on pouvait chanter n’importe où, et dont les gargouillades revenaient invariablement dans tous les rôles remplis par un chanteur. La fable de Namouna a servi pour un ballet ; elle aurait tout aussi bien pu fournir un mélodrame. Le prologue est une scène de jeu entre deux adversaires, dont l’un perd toujours, comme le légendaire Robert le Diable ; mais ce n’est que mauvaise chance ; le diable n’y est pour rien. Adriani, le joueur malheureux, ne songe plus qu’à se venger sur Ottavio ; c’est absolument comme si un joueur, qui aurait perdu à la roulette, voulait assommer le croupier. Le livret du ballet nous fournit à ce sujet un renseignement précieux : c’est que « le vaisseau et l’équipage d’Adriani semblent ceux d’un pirate plutôt que de quelque honnête commerçant ».

Dès lors il faut nous attendre aux plus noirs forfaits ; ils échouent heureusement grâce à l’infatigable Providence, représentée par Namouna, l’esclave perdue au jeu par Adriani. Ottavio lui a donné la liberté avec la tartane, son équipage et tout l’or qu’il a gagné, car Adriani a joué l’équipage en même temps que la tartane, on le dit expressément ; il faut supposer cependant que Namouna s’empresse de se débarrasser d’une troupe de forbans, dont elle n’a nulle vocation d’être le chef.

Adriani cherche Ottavio et le trouve donnant une aubade à sa maîtresse ; il le provoque ; le duel est interrompu par Namouna d’abord, et puis par la foule qui accourt se divertir, n’importe à quelle occasion. Adriani ne veut pas une seconde fois risquer sa vie contre celle d’Ottavio ; il fait un peu tard la cour à Namouna, peut-être pour rentrer en possession de sa tartane ; inutile de dire comment il y réussit. Alors il aposte quatre spadassins pour assassiner Ottavio ; mais Namouna leur oppose quelques-uns de ses amis ; deux des bandits sont blessés, les autres se sauvent.

Ottavio, sur l’ordre d’une belle dame masquée est emmené dans la tartane ; il y consent non seulement par galanterie pour la belle dame, mais encore par égard pour les pistolets dont on le menace le plus poliment du monde. Adriani accourt assister au départ de son ennemi. Il recrute « des forbans de son espèce » et a la bonne fortune d’arriver dans l’île innomée où la tartane de Namouna a abordé. « Ottavio est prêt à les recevoir bravement ; mais Namouna a d’autres projets. » Cette fois-ci ses projets sont fort mal imaginés ; en s’amusant à séduire les sentinelles, elle ne prend pas garde qu’Adriani est allé visiter l’île avec quelques-uns de ses bandits et qu’il ramène Ottavio prisonnier. Tout serait donc perdu, sans l’avidité aveugle et traditionnelle avec laquelle s’enivrent les soldats et les brigands de théâtre, quand on a besoin de les réduire à l’inaction. Namouna et Ottavio remontent sur leur tartane ; Adriani, qui n’est pas tout à fait aussi abruti que ses compagnons, ajuste Ottavio avec un pistolet ; mais il reçoit un coup de poignard de l’un des serviteurs de Namouna et tombe blessé.

Blessé ! C’est trop peu et ce n’est pas rassurant du tout ; il n’en aurait pas coûté davantage à MM. Nuitter et Petipa de le mettre une fois pour toutes dans l’impossibilité de troubler le bonheur de Namouna. Et puis que deviendront les femmes dont Namouna vient de racheter la liberté et dont'les forbans s’étaient emparés ?

Espérons que le bazar du marchand d’esclaves n’est pas la seule habitation de l’île et qu’il s’y trouve une police assez forte, quoique turque, pour protéger l’innocence, réprimer le brigandage et châtier les forbans.

Ne croyez pas, je vous en conjure, que M. Lalo se soit livré à des études historiques et philosophiques sur Namouna et sur les ballets, ni qu’il ait voulu être le Wagner de la musique de danse ; je puis même vous certifier qu’il n’y a jamais rien eu de wagnérien ni dans ses intentions, ; ni dans ses faits et gestes, non plus qu’il n’y en a eu chez M. Bizet ou chez Massenet. On lui a demandé de la musique de ballet, il a écrit de la musique de ballet, avec le talent que la nature lui a donné et avec l’expérience qu’il a acquise ; seulement il n’a pas cru tout à fait nécessaire de se modeler sur Adam ou sur M. Minkous, ni même de faire un stage à l’Opéra-Comique, aux Bouffes-Parisiens ou à des Folies quelconques.

Pour les scènes d’action, il a écrit de la musique comme il en aurait fait dans un opéra, en évitant toutefois de la rendre plus dramatique que ce n’était nécessaire : pour les exercices de danse, il a fait de la musique de danse, conformément aux exigences des chorégraphes en restant toujours clair et parfaitement intelligible, sans toutefois tomber dans les banalités, ni manquer au caractère général, un peu sérieux et mélodramatique de l’action.

Dès le prologue, où il n’y a pas de danse, on peut constater le grand soin et le goût juste avec lesquels M. Lalo a conformé sa musique à l’action scénique, dont toutes les phases sont très bien rendues : les péripéties du jeu, les scènes charmantes dues à l’arrivé de Namouna et le départ final. M. Lalo a fidèlement suivi les indications du libretto ; si dans la suite on peut remarquer, ce que je n’affirme pas, quelque hiatus entre la mimique et la musique, ce n’est pas la faute du compositeur, mais bien celle des artistes, ou bien celle des chorégraphes souvent peu scrupuleux sur ce sujet : je n’en veux pour preuve que l’incroyable coq-à-l’âne formé par la mise en scène de l’Invitation à la Valse dans le Freischütz.

C’est dans le petit entr’acte entre le prologue et le second tableau que M. Lalo a placé le véritable prélude de son ouvrage. Un prélude au commencement signifie : Messieurs et mesdames, la toile va se lever, abrégez vos conversations si c’est possible ; mais un prélude dans un entr’acte qui dure environ trois minutes, ah ! mais non ! il faut bien causer, et l’on a causé. La musique n’est-elle pas faite pour accompagner le ballet ? De quel droit se permet-elle de bavarder dans les entr’actes et d’exiger qu’on l’écoute quand tout le monde a le droit de parler ? Voilà pourquoi, sans avoir parlé, je suis forcé d’être muet sur le prélude de M. Lalo.

Le second tableau commence par la petite aubade ; puis vient le duel. Est-ce une scène d’action ? En apparence, mais non pas en réalité ; les deux adversaires restent en face l’un de l’autre ; seulement chaque fois qu’ils recommencent à croiser le fer, Namouna les interrompt en dansant ; aussi ce pas est-il intitulé : la Bouquetière. Dans les pas d’action, M. Lalo suit scrupuleusement l’action, comme je l’ai dit ; dans les pas de danse, il fait de la musique de danse ; il ne fait pas de la musique symphonique car on appelle ainsi la musique instrumentale où le compositeur a développé un motif par les ressources de l’harmonie et du contrepoint. Il est étrange qu’il soit nécessaire de signaler la confusion que l’on a commise.

La musique sur la scène a été vivement critiquée. « Trop de cuivre ! » s’est-on écrié. Il n’y en a pas plus que dans bien des opéras ; mais là n’est pas la question. D’abord il est fâcheux qu’on n’ait pas laissé cette musique comme elle devait être. Sur un char est placé un petit orchestre ; sur un balcon se trouvent deux trompettes et deux trombones, et autant sur un autre balcon en face. Les fanfares des balcons doivent alterner, en répétant une petite phrase de deux mesures et formée de trois notes ; cette phrase, dite à l’unisson et à l’octave, est accompagnée par l’orchestre de la salle. Au contraire la musique du char constitue un petit orchestre de neuf instruments, trompettes, trombones et saxhorns basses ; cet orchestre doit jouer seul et n’a pas plus besoin d’être accompagné de l’orchestre de la salle, que la musique dans la barque au troisième acte des Huguenots.

L’orchestre du char formé comme les fanfares des balcons, d’instruments de Sax à six pistons indépendants, exécute un morceau impossible pour les instruments du système ordinaire ; mais comme M. Sax a toujours à l’Opéra d’excellents amis qui ne perdent aucune occasion de le contrecarrer, on a demandé à M. Lalo d’ajouter l’orchestre de la salle à l’orchestre du char afin d’atténuer l’importance et l’effet de celui-ci. Ah ! si l’on avait pu prévoir l’effet surprenant produit par les trompettes droites de Sax dans Aïda ! Ce n’est donc pas tout à fait de la faute de M. Lalo si l’on a trouvé le petit morceau d’ensemble trop bruyant ; d’ailleurs il n’a fait aucune difficulté d’y apporter quelques modifications pour ménager les tympans trop délicats.

La musique des balcons ne joue que dans le pas d’ensemble par lequel commence le divertissement ; la musique du char joue dans le même pas et dans le court ensemble final du divertissement, où le char est reculé au fond de la scène. Le divertissement, qui ne tient pas plus à la pièce que la plupart des ballets d’opéras, est formé de sept pas ; après l’ensemble qui sert d’introduction, vient le pas des Ioniennes, dansé par douze femmes avec petites cymbales ; la musique a plus de caractère que la danse. Puis c’est le tour de Mlle Sangalli, la Charmeuse. La valse lente qui accompagne ce pas a droit au même titre ; elle est distinguée et gracieuse. Le pas de cinq n’est qu’une série de solos assez incohérents et trop longs. Vasquez y exécute des tours de virtuosité étonnants ; mais c’est tout ce qu’on lui fait faire jusqu’à présent, et on peut le lui faire faire partout ; il y en a pour quelques minutes, puis c’est fini. Un nouveau pas d’ensemble est suivi de la Roumaine, pas qui n’a rien de remarquable, puis vient le finale.

D’abord on avait eu l’idée de faire danser à Mlle Sangalli un pas en travesti ; c’était probablement la Roumaine, appelée primitivement la Gitana. Réflexion faite, l’idée a paru un peu singulière et même risquée ; alors on a voulu faire fumer à Mlle Sangalli une cigarette, dans le pas de la Charmeuse ; l’invention était grotesque, et comme Mlle Sangalli n’a pas trop goûté ni l’invention ni la fumée de cigare, c’est Mérante qui fume.

Quant le divertissement est fini, l’action reprend son cours ; je n’ai qu’à répéter ce que j’ai dit plus haut de M. Lalo.

Le second acte commence par la sieste des esclaves ; les femmes se lèvent et se détirent les bras, comme si elles avaient de la peine à se réveiller ; c’est un pas d’action d’un joli effet et dont la musique est charmante. Le pas d’ensemble des femmes retombe dans le poncif (je ne parle que de la danse). À l’arrivée de la tartane, l’orchestre reprend la première partie du prélude qu’on n’a pas écouté une heure auparavant. Dans la scène d’amour entre Namouna et Ottavio, on retrouve des effets trop connus.

Ce sont des poses où le danseur ou plutôt le mime montre la force de ses bras en soutenant ou en soulevant la danseuse ; parfois, elle se tient en équilibre sur la pointe au pied, en appuyant son coude sur l’avant-bras de son partenaire. C’est fort bien exécuté. Après le pas des fleurs, Mlle Sangalli met le comble à son succès dans un pas qu’elle a même eu la complaisance de danser deux fois ; il n’est pas étonnant qu’elle ait eu besoin d’un repos de quelques semaines après le travail de mécanisme chorégraphique auquel elle s’était livrée. Elle n’a pas eu à se plaindre de M. Lalo dans tout son rôle, et le dernier pas est accompagné d’une musique délicieuse avec solo de flûte. Je n’ai rien de particulier à dire de la musique de la scène finale, et la danse n’offre rien de nouveau.

Les personnes qui ont assisté à une première représentation d’un ouvrage d’Offenbach à l’Opéra-Comique, pendant la vie de l’auteur, ont pu remarquer l’extrême irritation de certaines gens. Il en a été de même pour Namouna ; à la troisième représentation quelques-uns ont même essayé de siffler, mais le véritable public, qui n’était pas de leur avis du tout, leur a imposé silence.

M. Lalo peut être fier d’avoir des ennemis presque aussi acharnés qu’en ont eu Berlioz et Offenbach, et qu’en a encore R. Wagner. Ce qu’il y a de fâcheux c’est que lorsque les Allemands connaîtront l’œuvre de M. Lalo, et ils la connaîtront, ils riront une fois de plus de l’obstinée ignorance et de l’aveugle acharnement avec lesquels en France on voit du wagnérisme partout, jusque dans la musique de danse. J’avoue même que je ne sais pas comment on s’y prendrait pour exécuter ce coupable projet. […]

J. WEBER

[1] Schneitzhoeffer faisait lui-même cette addition sur ses cartes de visite. On prononçait Chénecerf. Un de mes compatriotes alsaciens, connu dans le journalisme parisien et mort il y a quelques années, signait George Stenne ; son vrai nom était Schornstein, d’une prononciation aussi rocailleuse que celui de l’ancien timbalier de l’Opéra.

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Johannès WEBER

(1818 - mars 1902)

Composer

Édouard LALO

(1823 - 1892)

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